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Opinion Lode Godderis: le congé de transition

Lode Godderis insiste sur l’importance d’assurer une adéquation optimale entre les nouvelles initiatives en matière de congés de maladie et chaque situation individuelle, en évitant au maximum de définir des règles générales par type d’absence.

Plusieurs médias ont fait savoir que certaines organisations publiques belges accordaient désormais un « congé de transition » aux personnes trans pendant et après une intervention de transition importante. “En soi, cette mesure donne un excellent signal en termes de diversité et d’inclusion, mais sa forme crée un précédent qui soulève une série de questions complexes”, déclare notre CEO Lode Godderis.

« Le congé de transition est un signe très positif, mais il crée aussi un précédent qui soulève des questions complexes »

Plusieurs médias ont fait savoir que certaines organisations publiques belges accordaient désormais un « congé de transition » aux personnes trans pendant et après une intervention de transition importante. En soi, cette mesure donne un excellent signal en termes de diversité et d’inclusion, mais sa forme crée un précédent qui soulève une série de questions complexes. 

Il existe en effet une infinité de situations possibles. Il s’agit donc de savoir s’il est bien opportun que les employeurs prévoient des règles fixes pour tous les types d’absence, comme la Ville de Gand vient de le faire en octroyant aux fonctionnaires transgenres vingt jours de congé supplémentaires, à prendre sur toute la durée de leur transition. Suivant cette logique, vu l’attention croissante accordée à l’inclusion – une évolution positive, il faut le souligner –, un régime de congés devra également être établi pour la ménopause, les périodes menstruelles, les traitements de PMA, etc. Mais chaque situation est différente, et donc aussi la manière dont elle est vécue et gérée par les personnes concernées. 

Jusqu’au moment où les employeurs et les travailleurs finiront aussi par se demander où se trouve la limite. Sachant qu’il est impossible de la fixer de manière objective, les incompréhensions seront inévitables : « pourquoi untel entre-t-il en ligne de compte, et pas tel autre ? ». À mon sens, il n’importe pas tant d’avoir droit à un nombre donné de jours de congé, mais d’avoir droit au rétablissement et à la guérison. Il est donc logique que ce soit le médecin (généralement, le médecin chargé du traitement) qui juge de l’incapacité de travail, et non l’employeur. Dans le cas de la Ville de Gand, si le médecin estime qu’un collaborateur est incapable de travailler pendant trente jours sur la durée de sa transition, ce collaborateur peut arrêter de travailler pendant ces trente jours. Inversement, si dix jours suffisent, il est illogique (et même néfaste, comme je vais l’expliquer plus loin) de vouloir imposer vingt jours. 

« L’employeur qui fait un pas vers le travailleur concerné peut attendre de sa part une certaine flexibilité en retour, dans le but de minimiser l’impact »

C’est pourquoi je pense que l’employeur doit envisager chaque cas individuellement et dégager des modalités optimales de manière préventive et en concertation, à la mesure de toutes les parties prenantes. Il faut aussi veiller à respecter certaines conditions importantes pour obtenir une adhésion structurelle en interne par rapport à des initiatives comme le congé de transition. La réciprocité est essentielle : si l’employeur fait un effort louable alors que la législation ne l’y oblige pas, il doit pouvoir s’attendre à ce que le collaborateur concerné tienne compte de l’impact sur l’organisation et sur les collègues, et fasse preuve de la flexibilité nécessaire pour le minimiser au mieux. Par exemple, dans cette optique de flexibilité, il peut essayer de ne pas programmer une intervention à un moment typique de pic d’activité, de sorte que la situation soit gérable et durable pour toutes les parties.

Il peut aussi s’efforcer de ne pas s’absenter au-delà de la durée réellement bénéfique pour lui-même et pour son employeur – c’est là l’un de mes chevaux de bataille. Dans ce contexte, comme dans d’autres d’ailleurs, je remarque que les concepts de travail et de rétablissement sont encore considérés comme s’excluant mutuellement. Autrement dit, on a tendance à penser que les personnes sont « incapables » de travailler pour cause de maladie ou pour toute autre raison, et qu’elles ne vont reprendre le travail qu’une fois qu’elles sont « 100 % capables » de le faire. Ce raisonnement binaire prive un grand nombre de travailleurs des multiples effets positifs du travail sur le rétablissement et le bien-être général. Pour en revenir au congé de transition : certaines personnes auront en effet besoin de prendre les vingt jours en question. Mais pourquoi d’autres personnes, qu’elles soient en transition ou dans n’importe quelle autre situation, ne pourraient-elles pas poursuivre leur rétablissement dans un environnement de travail qui leur apporte de la compréhension, du soutien, des défis à relever, mais aussi une reconnaissance sur le plan humain et professionnel ? Ce n’est évidemment pas possible dans toutes les organisations ou dans toutes les équipes, mais j’en connais de nombreuses où ce l’est tout à fait.

« La capacité de l’employeur et des collègues à supporter les répercussions des situations privées à ses limites »

Mon plaidoyer repose encore sur cet autre argument : les organisations sont souvent à l’origine d’évolutions qui débouchent sur des modifications législatives. Ce point mérite certainement réflexion. S’il existe aujourd’hui des « congés de maladie » et du « petit chômage », ces modalités n’offrent aucune solution pour les absences plus longues, par exemple après une intervention de transition, ou pour les absences courtes et répétées dans le cadre d’une FIV. Nous gagnerions à combler cette lacune, à condition que les décisions soient prises de manière mûrement réfléchie, après un dialogue approfondi avec les représentants des employeurs et des travailleurs et les spécialistes compétents. Les travailleurs sont confrontés à de nombreux défis. Leurs employeurs et leurs collègues peuvent les aider à les relever et sont prêts à le faire, pour autant qu’il existe une base de compréhension mutuelle.