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L’insécurité (de l’emploi) durant la crise énergétique
Expert Tine Vander Elst
Chercheuse
Que pouvez-vous faire en tant qu’employeur/travailleur ?
Le coût de l’énergie, des salaires et des matériaux de construction est élevé, et les entreprises ont de plus en plus de mal à garder la tête hors de l’eau sur le plan financier. Parmi les travailleurs, l’insécurité de l’emploi est en hausse. « Même s’il s’agit d’une perception subjective de la possibilité de perdre son emploi à l’avenir, cette expérience est fortement liée à ce qui se passe autour de nous et reflète les risques réels de perte d’emploi », explique Tinne Vander Elst, chercheuse chez IDEWE et à l’université de Tilbourg.
L’insécurité de l’emploi est associée à plusieurs conséquences négatives pour les travailleurs pris individuellement, notamment un plus grand nombre de problèmes de burn-out, une diminution des prestations et une intention plus élevée de quitter l’organisation. « Ce n’est pas souhaitable tant d’un point de vue éthico-social que financier », déclare Tinne Vander Elst. « En tant que société et employeur, nous avons la responsabilité de prendre soin des travailleurs et de faire en sorte qu’ils se sentent bien. Les conséquences de l’insécurité de l’emploi affectent en outre la santé financière des organisations. Les absences pour cause de maladie ou les travailleurs qui doivent être remplacés parce qu’ils quittent l’organisation coûtent de l’argent. Il suffit de penser aux coûts liés à la réintégration après une maladie, au recrutement, à la formation et à la perte de connaissances et d’expertise. »
Conséquences psychosociales négatives
La peur de perdre son emploi et d’être licencié est associée à davantage de problèmes de stress et de burn-out ainsi que de sentiments dépressifs, et entraîne moins de satisfaction et d’engagement au travail. De surcroît, les travailleurs évaluent leur travail et leur organisation de manière plus négative : ils obtiennent un score plus faible en termes de satisfaction professionnelle et se sentent moins impliqués pour leur organisation. Enfin, l’insécurité de l’emploi a un impact négatif sur les prestations professionnelles des travailleurs.
« Penser que l’insécurité entraîne des meilleures prestations professionnelles chez les travailleurs, car ils font de leur mieux pour garder leur emploi, est une idée reçue. Au contraire, les recherches montrent systématiquement que l’insécurité de l’emploi est associée à des scores plus faibles sur plusieurs indicateurs de prestations professionnelles. »
Impuissance et injustice
Les recherches montrent que les travailleurs en situation d’insécurité professionnelle éprouvent un sentiment de contrôle moindre, et que cette impuissance est à son tour associée à moins de bien-être psychosocial. Les travailleurs évaluent également le caractère équitable de la situation d’emploi précaire. Ils se demandent si cette situation précaire est juste et s’ils ont été traités équitablement. L’injustice perçue a des conséquences négatives sur le bien-être et les prestations des travailleurs. Les employeurs peuvent dès lors diminuer les conséquences négatives de l’insécurité de l’emploi en s’attachant à réduire les sentiments d’impuissance et d’injustice parmi leur personnel.
Que peuvent faire les employeurs ?
Il existe deux leviers essentiels, selon Tinne Vander Elst. « Tout d’abord, il est important de s’engager à communiquer clairement, fréquemment et de manière cohérente. Les informations officielles donnent aux travailleurs un aperçu de ce qui se déroule dans l’organisation et leur donnent un sentiment de contrôle. Par ailleurs, informer le personnel de manière transparente et réaliste peut renforcer le sentiment que la direction ne cache pas délibérément des informations et qu’elle est digne de confiance, ce qui réduit le stress en cas d’incertitude. Informer clairement réduit aussi le risque de rumeurs et de bruits de couloir. Les rumeurs prennent rapidement la forme de récits déformés et de scénarios catastrophes, ce qui ne fait qu’augmenter le risque de réactions de panique et d’insécurité de l’emploi subjective. »
« Deuxièmement, nous recommandons de créer autant d’occasions que possible d’impliquer les collaborateurs et de leur donner la parole lorsque des décisions sont prises. La participation donne effectivement aux travailleurs le contrôle de leur situation professionnelle incertaine. De plus, elle peut rassurer les travailleurs sur le fait que les décisions prises au sein de l’organisation sont équitables, et leur donne le sentiment d’être respectés et valorisés par leur employeur. Dans les situations incertaines, les travailleurs ne peuvent pas encore évaluer le caractère équitable de la situation en fonction des résultats. Par exemple, on ne sait pas encore s’ils vont perdre leur emploi ou non. Ils seront donc plus attentifs aux procédures qui mènent à certaines décisions : les procédures sont-elles équitables, identiques pour tous, et est-il possible d’avoir son mot à dire lorsque les décisions sont prises ? Traiter les travailleurs correctement et équitablement est important, mais l’est encore plus en période d’insécurité de l’emploi. »
« Le rôle des supérieurs hiérarchiques ne doit pas non plus être sous-estimé », déclare Yasmine Bakali, conseillère en prévention aspects psychosociaux et membre du réseau de connaissances « Changements au travail et bien-être » d’IDEWE. « Ils sont le premier point de contact pour les questions, les frustrations et les oppositions, alors qu’eux-mêmes peuvent peut-être encore se poser des questions sur la situation future. Il importe dès lors d’apporter aux supérieurs hiérarchiques un soutien suffisant et des informations en temps utile. »
Que peuvent faire les collaborateurs ?
Pour les collaborateurs, il est important de prendre en charge leurs besoins. En période d’incertitude, la plupart des personnes ont besoin de contrôle et de clarté. « Cela peut se traduire par une recherche proactive d’informations fiables auprès de leur supérieur ou du département des ressources humaines, et par le fait de ne pas être trop tenté de prendre les rumeurs pour argent comptant », explique Yasmine Bakali. « Certains travailleurs ont tout simplement plus intérêt à limiter la consultation des applications d’actualité et des médias sociaux. »
Que ce soit au travail ou en dehors, il est important de veiller à la résilience personnelle en prenant soin de soi. « Cela est possible, par exemple, en établissant des liens au travail avec des collègues qui peuvent gérer les situations difficiles de manière constructive et en demandant du soutien en cas de besoin. Nous maintenons notre capacité de charge en incorporant suffisamment de donneurs d’énergie tout au long de la journée pour contrebalancer les événements qui vident notre batterie. »
Nous souhaitons vous inspirer en vous renvoyant à notre défi 33 jours.
À lire aussi : L’impact de la crise énergétique sur notre bien-être mental
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