Retour Une protection contre l’exposition aux substances toxiques pour les cultivateurs et les fleuristes
Une protection contre l’exposition aux substances toxiques pour les cultivateurs et les fleuristes
Expert Hilde De Raeve
Conseillère en prévention - Médecin du travail
Les risques carcinogènes et hormonaux nécessitent des mesures structurelles et individuelles
En France, un juge a établi un lien entre le décès d’une petite fille et l’activité professionnelle de sa mère, qui avait été exposée à de fortes concentrations de substances nocives dans le cadre de son métier de fleuriste. « À la suite de cette affaire, bon nombre de médecins du travail ont dû répondre à des questions sur les risques liés aux pesticides et les mesures de prévention à prendre », explique Hilde De Raeve, médecin du travail chez IDEWE.
Comme les cueilleurs et les trieurs, les fleuristes sont régulièrement exposés à une grande variété de fleurs et de plantes traitées avec des pesticides. L’exposition aux substances toxiques, qui passe par la peau et le contact main-bouche, peut entraîner des risques pour la santé.
Savoir ce qu’on achète
« Dans ce genre de cas, l’élimination, qui est la première étape de la hiérarchie de la prévention, est encore une fois la mesure la plus efficace pour gérer le risque. Malheureusement, elle n’est souvent pas la plus réaliste », constate Hilde De Raeve. « Bien qu’il existe des cultivateurs qui vendent des fleurs non traitées, ils ne peuvent fournir que des commerces dont les clients sont prêts à payer plus cher. Les fleurs vendues en gros viennent de chez des producteurs qui utilisent des pesticides et de chez des grossistes où le tri s’effectue sur un convoyeur à bande, et où les travailleurs sont donc en contact de manière répétée avec les pesticides. »
« Une autre mesure est la substitution : il s’agit de connaître la provenance des fleurs et de privilégier les achats chez des fournisseurs fiables, qui communiquent clairement sur les substances utilisées. Le plus sûr est de traiter avec des fournisseurs et des cultivateurs européens. Une grande quantité de fleurs proviennent toutefois de pays d’Amérique du Sud ou d’Afrique, où les règles ne sont pas aussi strictes. »
Éviter le contact
Des mesures collectives et individuelles peuvent aussi être prises pour protéger les travailleurs du secteur. « L’utilisation d’équipements de protection individuelle est indissociable des mesures organisationnelles », souligne Hilde De Raeve. « Dans la mesure où l’exposition est essentiellement liée au contact cutané, il est recommandé de porter des gants pendant le travail. Au bout d’un certain temps, les modèles en coton ordinaire finissent par être saturés et laissent passer les substances nocives. Il faut donc opter pour des gants qui résistent aux produits chimiques. Et cela ne suffit pas : il faut aussi veiller à ce que les travailleurs ne les utilisent que pendant leur travail et à ce qu’ils les enlèvent, par exemple, lorsqu’ils touchent des surfaces qui peuvent aussi être touchées par des personnes qui ne portent pas de gants. S’ils gardent leurs gants quand ils mettent de l’argent dans la caisse ou prennent un stylo, cela ne fait que reporter le problème. »
Perturbateurs endocriniens
La fille de la plaignante française, qui avait travaillé comme fleuriste pendant sa grossesse, est décédée d’une leucémie. « Bien que les pesticides utilisés pour les cultures ne soient pas comparables avec un produit comme l’amiante, par exemple, avec lequel il faut éviter tout contact, il peut quand même y avoir des conséquences graves pour les êtres humains en cas de contacts fréquents. Le risque ne réside pas seulement dans l’impact carcinogène des pesticides, mais aussi dans leur effet de perturbation endocrinienne. À ce point de vue, il est toutefois très difficile de définir des valeurs seuils et des doses sûres. Nous ne connaissons pas la courbe de réponse, qui est souvent individuelle. Il est même possible qu’une exposition limitée ait finalement plus d’effet qu’une dose plus forte. »
Gérer le risque grâce à la hiérarchie de la prévention
Élimination et substitution
Élimination : l’exclusion totale de l’exposition aux pesticides par l’utilisation de fleurs non traitées représente la mesure la plus efficace.
Substitution : si l’élimination n’est pas possible, l’achat de fleurs auprès de fournisseurs fiables qui appliquent une politique de transparence quant à la provenance et au traitement de leurs produits peut être une belle étape intermédiaire. Il est essentiel d’éviter les fleurs et plantes issues de régions où les règles en matière d’utilisation des pesticides sont moins strictes.
Mesures de protection collective
Les mesures organisationnelles, comme la rotation des tâches, peuvent aider à répartir l’exposition. Cela dit, il est encore beaucoup plus important d’appliquer une règle stricte concernant la prise de nourriture et de boissons, qui ne peut s’effectuer que dans les locaux de repos et après un lavage soigneux des mains. Cette précaution permet de prévenir la transmission main-bouche.
Mesures techniques
La réalisation d’une analyse de risques, éventuellement complétée par un biomonitoring, est importante pour mieux quantifier et évaluer l’exposition.
Équipements de protection individuelle (EPI)
Gants : les fleuristes doivent porter des gants en permanence lorsqu’ils manipulent et coupent des fleurs, ou qu’ils composent des bouquets.
Hygiène des mains : le lavage régulier et soigneux des mains et des bras après chaque opération contribue à limiter la présence de pesticides sur la peau.
Formation et prise de conscience
Les fleuristes doivent être informés des risques de l’exposition cutanée aux pesticides et de l’importance de se protéger. Les employeurs ont la responsabilité d’informer leur personnel sur les mesures de prévention à mettre en place.
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